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Dans la vie il y a ses moment fuguasses auxquels nous attachons que très peu d’importance, pourtant ils peuvent se montrer déterminants. Un geste, un mot, un regard, un sourire… tant de signes auxquels nous attachons que très peu d’importances et pourtant. Un instant, une seconde, une minute… lorsque les aiguilles de l’horloge que l’on chéri tant, arrêtent leurs courses folles, lorsque ses instants pourtant si fuguasses nous donnent l’impression de s’égrainer avec une lenteur extrême. Sans que l’on s’en rend compte ses moments sont déterminants, ils nous marquent d’une manière ou d’une autre au fer rouge. Ils restent gravés dans notre mémoire à jamais, car avec eux sont apparus nos plus grandes joies, nos plus grandes tristesses, nos plus grandes blessures, nos fêlures… Nous ne pouvons jamais oublier ses instants, ils sont en nous et font ce que l’on est aujourd’hui. Toute tentative d’oublie se soldera en un échec ou alors en un mensonge fait à nous même. Ses moments sont en nous, ils nous suivent, nous poursuivent et ressurgissent de manière totalement impromptue, c’est eux qui régissent nos vie. Seulement ils nous aident à grandir, à éviter les erreurs ou alors au contraire nous font tomber bien bas. Beaucoup en sortent très amochés, aigries, détruis par une vie bien trop difficile, trop brusque, trop douloureuse, ses personnes deviennent livides, ils ont oubliés la naïveté de l’enfance, ils ont oubliés la définition même de la vie. Puis il y a les autres, ses personnes qui trouvent la force de se battre afin de se relever. Ses personnes ont tout compris ! Ils sont beaucoup plus fortes, beaucoup plus combatives, ils ont simplement grandis… Le sourire aux lèvres et le cœur en berne ils avancent à leur rythme, mais qu’importe ! Ils avancent… Que l’on accepte ou non, ses moments sont là ! J’ai appris à vivre avec, comme tout le monde je suis tombée et comme certains je me suis relevée. La vie ne me fait pas peur, elle ne me fait plus peur. Aujourd’hui j’attends ses moments fuguasses afin de grandir. Je n’ai pas changé, si ce n’est que j’ai appris à les appréhender. Ses gestes, ses mots, ses regards et ses sourires, je les attends… J’ai besoin d’eux pour mon bonheur, c’est eux qui régissent ma vie… ”

Moscou, sa grande Place Rouge connue dans le monde entier, un soleil couchant à moitié enseveli par une épaisse masse brumeuse qui est, bien souvent, très représentatif des pays nordiques. La Russie n’échappe donc pas à la règle. Il doit bien être à présent vingt-deux heures, nous sommes en novembre, les touristes commencent affluer de partout dans la grande capitale, des occidentaux à la recherche d’évasion pour beaucoup. Une jeune femme de seize ans ou un peu plus peut-être, les traits de son visage sont encore doux, finement dessinés telle une poupée de porcelaine que l’on aurait peur de manipuler au risque de la briser. Pourtant son visage semble déjà meurtri, mais personne ne connait l’histoire de cette jeune demoiselle pour l’affirmer avec une quelconque certitude. Les vacances… La demoiselle ne semble pas en connaitre la signification, pour en avoir la confirmation il suffit de regarder son visage boursouflé par la fatigue qui semble s’être accumulée depuis bons nombres d’années. Malgré les températures extrêmement basses, même pour la saison, la blondinette est tout juste vêtue d’une fine robe noir, devenue grisâtre avec les temps, qui lui couvre les jambes que jusqu’au dessus des genoux, ses bras quant à eux sont dénués de tout tissus. Au pied la jeune femme portait des escarpins d’un rouge légèrement effacé, mais il est assez aisé de les imaginer d’un rouge vernis scintillant comme il avait dû l’être jadis. Son corps frêle, grelottant sous les assauts du vent, ferait réagir n’importe qui, pourtant personne ne semble lui prêter attention, certaines femmes hautement placées assurément en vu des sublimes tenues qu’elles portent, lui jette des regards noirs, méprisants… Qu’a-t-elle bien pu faire pour mériter un tel traitement ? La réponse n’est pourtant pas compliquer, vous comprendrez peut-être mieux par la suite…

Cette demoiselle se nomme Zoya, c’est une jeune Estonienne qui a fuit son pays espérant trouver une terre d’asile, c’est ainsi qu’à quinze ans la jeune femme arrive en Russie. Nous sommes alors à la fin des années soixante-dix, les temps sont dures la Russie sort encore péniblement d’un régime dictatorial, la classe dites moyenne est très pauvres, les bourgeois sont, quant à eux, très riches il n’y a aucune alternative et aucun moyen de s’en sortir si l’on fait malheureusement parti des plus pauvres. C’est dans ce climat que Zoya arrive, elle n’a rien en poche. La jeune femme c’est vu contrainte de quitter le domicile familial suite aux violences répétées de son père, paysans aux maigres revenus qui se doit d’assurer, pour son image, le bien-être des siens. L’opulence elle ne l’a donc jamais connue. La blondinette parcours les grandes rues de Moscou pendant de longs mois, puis elle fut « engagée » lorsqu’elle n’avait encore que quinze ans. Non, elle ne fut pas engagée dans une usine où elle aurait un emploi à la chaîne, certes pénible, mais probablement moins que ce qu’elle subit. En effet, à cette époque la prostitution enfantine en Russie ne dérange personne… Zoya erre péniblement et inlassablement les rues de la grande capitale à la recherche de « client ». Aussi barbare que cela parait pour nous sages pensants occidentaux, ceci est pourtant une réalité…

Alors qu’elle n’a que seize ans la demoiselle tombe enceinte de l’un de ses clients. Bien sûr son identité elle ne la connait pas, mais son clavaire va commencer. Enceinte elle n’est plus « rentable » pour ses « employeurs » Zoya est donc mise à la rue, elle vit, non que dis-je, survit en fouillant les poubelles pour se nourrir, elle termine dans un squat pour alcooliques/drogués et finie par accoucher dans cet endroit sordide, telle une chienne errante, car oui elle n’avait pas eu plus de distinction… Voilà qu’elle est à présent en charge d’un petit garçon, il semble si frêle, demande déjà tant d’amour… Zoya n’est encore qu’une enfant et de l’amour elle n’est pas certaine d’en connaître réellement le sens. Il faut dire qu’elle est déjà tellement blessée par la vie et est déjà tellement défaitiste fasse à cette dernière… Dans un soir de dépression extrême elle ira jusqu’à essayer de l’étouffer, préférant lui donner la mort plutôt que vivre l’enfer qui l’attend. Pourtant elle n’ira pas jusqu’au bout trop touché par les cris du petit bébé. Un jour alors qu’elle errait une fois de plus à la recherche de nourriture pour elle est lui, une femme surgie de nul-part, surement touchée par la maigreur extrême de la jeune maman et de l’enfant, elle lui propose de l’héberger elle et son enfant et les nourrir en échange elle lui demande juste de travailler comme serveuse. Face à cette proposition miraculeuse elle ne peut se résoudre à émettre un quelconque refus inconscient.

Voilà un an qu’elle travaille dans le petit restaurant de quartier, son enfant a grandi c’est un fait, seulement elle n’a pas eu l’occasion d’être à ses côté depuis tant de temps… Zoya travaille constamment et tous les jours un peu plus durement. Bien sûr elle ne connait plus l’errance, ni même la faim, seulement elle se donne sans compter au petit restaurant au point d’en négliger totalement son enfant. Ce dernier est élevé par la vieille gérante… Un peu plus sereine malgré un passé qui n’a de cesse que de la hanter, la jeune femme rencontre Daniel un jeune homme venu manger rapidement un midi dans le petit restaurant où elle œuvre. Le jeune homme a dans les environs de vingt-cinq ans, ses mains semblent abîmer surement par le travail qu’il occupe, il habite bien loin de Moscou. En effet, il assigne résidence depuis sa plus tendre enfance à Markovo une ville totalement au nord est de la Russie, seulement son accent le trahie n’importe quelle oreille affûter reconnaitrait l’accent français. Daniel s’installe à une table et ses ainsi que tout commence. Il est difficile de dire ce qui à bien pu se passer entre eux, mais quelque mois plus tard la jeune femme quitte son emploi et Moscou pour s’installer chez Daniel… sans son fils. En effet, ne pouvant plus assurer son éducation, elle décide de le laisser au soin de la vieille gérante. Elle en souffre, mais c’est mieux ainsi, enfin c’est ce que l’on dit. Le début de leur vie à deux commence, pour le meilleur et pour le pire…

Nous voici un certain dix-neuf février mille-neuf-quatre-vingt-neuf, à Markovo un petit village de Russie. Les premiers flocons d’un hiver rude ont commencés à s’abattre durement sur la région depuis déjà quelques jours. Rendant, par la même occasion, impraticable toutes les routes qui mènent à la grande ville la plus proche, pour se ravitailler ou simplement demander de l’aide si nécessaire, sait-on jamais. Les derniers rayons de soleil, légèrement faiblards dû à la saison, partent trouver refuges derrière les grands arbres qui, ensemble, forment une épaisse forêt dense non loin de la maison des Saahvoski. C’est dans cette ambiance morose voir un peu sinistre que la jeune Zoya Saahvoski a choisi pour accoucher. Nous sommes au début des années quatre-vingt, il n’est donc pas encore permis à cette époque à une femme venant d’un milieu modeste d’accoucher dans une clinique, cela coûte beaucoup trop cher pour les faibles revenus du couple. C’est donc seule accompagnée d’une voisine que la jeune maman accouche difficilement. Dans le silence religieux du lieu, seul les cris de douleur de la jeune Zoya se font entendre, déchirant ainsi tout calme jusqu’à ce que ceux d’un nouveau né viennent si joindre, complétant ainsi d’un cri aigu ceux de la jeune mère.

« Daniel, Zoya … vous venez d’avoir un garçon…

La voisine, d’une soixantaine d’année certainement du moins c’est l’âge que semble avoir laissé le temps sur son visage fripé, ne fait preuve d’aucune émotion lorsqu’elle attrape l’enfant en annonçant la nouvelle aux jeunes parents. Peut-être est-elle agacée d’avoir était dérangée à une heure si tardive, préférant certainement et de loin la chaleur de sa cheminée aux cris de douleur d’une jeune femme en plein travail… Qu’importe, la joie peut se lire sur le visage des jeunes parents seul cela semble compter à cet instant présent. Le jeune papa semble fière, un premier enfant, un fils que pouvait-il espérer de mieux ? Prenant la parole le premier il ne semble pas pouvoir contenir sa joie, au grand drame de la vieille femme qui, visiblement, a oublié la joie que cela procure ou peut-être sachant déjà que trop bien les difficultés pour élever un enfant qui attendaient le couple par la suite…

« Un garçon ! Il s’appellera Timéo…
« J’ai mal ! Mon ventre me fait souf…

Ne sachant finir sa phrase, la jeune maman ne peut s’empêcher de lancer un cri de douleur qui vint subitement recouvrir ceux du nouveau né. La voisine, aux traits jusqu’à présent fermés, semble soudainement inquiète, s’approchant avec prudence de Zoya, la vieille femme comprend rapidement ce qui s’apprête à arriver. Laissant son épais gilet retomber sur le sol, elle retourne au chevet de la jeune femme essayant entre deux cris de lui expliquer. Quelques minutes après, aux cris du petit Timéo vient s’ajouter ceux d’un second enfant. La vieille voisine un peu dépitée attrape alors ce nouveau né et le présente à la jeune Zoya en lui tendant délicatement…

« C’est une petite fille cette fois ci…

La jeune maman tourne alors difficilement la tête jusqu’à la fenêtre, comme pour trouver une quelconque réponse dans le ciel obscure, mais rien ne vient, le ciel noirâtre est démuni de toutes étoiles, seul quelques rayons de lune arrive à se frayer un chemin.

« Ôlynëla… Elle s’appellera Ôlynëla, elle était tout aussi inespérée que ce petit clair de lune… Qu’en penses-tu Dan’ ?

Le jeune papa se contente d’acquiescer d’un bref signe de tête, encore sous le coup de la nouvelle. Il faut dire que le jeune Daniel se démène pour apporter un salaire convenable à la maison, si il était certain de pouvoir contenter un enfant avec les maigres revenus, il doute soudainement pouvoir y parvenir avec deux enfants. Qu’importe après tout cela ne vient en rien anéantir le bonheur qui semble englober le jeune couple à cet instant précis. Un garçon, la force la protection et bien souvent la désobéissance… Une fille, la pureté, la grâce, la réussite… De bon vieux clichés pourtant bien fondés… L’enfance devait alors commencer pour les deux jumeaux, une première épreuve à passer…