L'air agacé, l'homme aux tempes légèrement grisonnantes, observait attentivement un dossier composé d'une multitude de feuilles, classées soigneusement dans une chemise rouge. Quelle bande d'incapables! Il savait très bien que l'on n'était jamais mieux servi que par soi-même, mais à ce point... A quoi bon leurs régler un salaire aussi élevé s'ils n'étaient même pas foutus de compléter proprement la fiche rose sans la confondre avec les données de la verte. Il soupira en balançant l'objet de son tourment dans la corbeille à papier. Alors qu'il s'apprêtait à contacter Armelle - sa secrétaire blonde aux jambes interminables qu'il contemplait avec envie - une voix aussi douce que le grincement d'une craie sur un tableau s'écria, en accourant vers le bureau:

« PAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAPA!
- Ma princesse! Mais qu'est-ce que tu fais ici? Tu ne devrais pas être à la maison? dit-il en réceptionnant le corps mince de sa fille.
- Si, mais je voulais venir te voir, et puis maman elle voulait pas, alors j'ai insisté un peu.
- Ah tu sais y faire toi. », rigola le trentenaire en déposant un baiser de père comblé sur la joue douce de Dafney.

La prunelle de ses yeux. Leurs yeux. Madame Carter fit irruption dans la pièce en contemplant sa fille installée sur les genoux de son époux, entrain de lui tirer farouchement l'oreille. Elle éclata de rires aux rictus exagérés de l'homme qu'elle aimait. Le couple avait tout pour être heureux: une fortune exorbitante, un appartement démesuré, une garde de robe exclusivement composé de créations de haute couture pour Madame, une magnifique voiture de sport pour Monsieur... Et depuis huit ans la naissance de leur fille n'avait fait que confirmer leur bonheur grandissant. C'était le couple phare du moment invitait à chaque gala, à toutes grandes occasions, aux anniversaires, aux défilés, et il fallait bien avouer que Dafney n'en était pas moins préoccupée, puisqu'elle était de la partie. Pas question d'écarter leur petite ange. Et c'est peut-être pour cela que celle-ci à à peine quelques années savait très clairement différencier le cristal du verre, les diamants et toute pierres des imitations, qu'elle reconnaissait les robes Marc Jacobs pour enfants des vulgaires copies, et bien d'autres exemples. Si ils avaient su, peut-être que les Carter l'aurait stoppée, mais la machine était déjà en marche...

« Papa, tu pourras m'acheter le collier et les boucles d'oreilles qu'on a vu la dernière fois? Et puis ce soir on peut manger au Palace? Oh s'il te plaît, dis oui! T'es le meilleur papa du monde! Wouhou!...»


« DAFNEY COORTNEE CARTER! Mais où as-tu donc la tête?
- Hum... après mûre réflexion je dirais sous une table.
- Non mais qu'est-ce que tu fiches? Il est minuit, et demain tu dois rencontrer le repré....
- Le représentant de Stanford, JE SAIS. Mais à vrai dire, je m'en fous qu'il aille se faire voir. Bisous maman, je rentre pas trop tard.
- Dafney? DAFNEY! »


Et violemment elle raccrocha son téléphone portable, en refaisait irruption dans la boîte d'en dessous la table. Il avait bien grandit le bel ange de papa. Dafney était à présent une belle jeune fille, dont la beauté était restée intact. Tandis qu'elle repassait une main experte dans sa chevelure brune, on lui tendit une bouteille de champagne. 232e la bouteille, il pouvait être de qualité. Elle sourit et s'empressa de se saisir de celle-ci. Sous les cris, les orgies et les applaudissements, elle secoua la bouteille vivement en la débouchement avec difficulté. Un feu d'artifices de mousse, de fête, d'alcool. De quoi se composer son nouveau quotidien. Car certes elle allait au lycée comme tout le monde, mais là-bas elle n'était pas tout le monde. C'était Dafney. Dafney Carter. Celle qui en un regard vous fait déserter de votre de banc, qui vous maltraite sans que vous ne cessiez pourtant de l'admirer, celle qui organise les meilleures soirées. L'intouchable, la reine.